l’ombre d’une rature. Et ce voyage, comme tous ceux qu’il a signés, passe pour une merveille d’exactitude. Le Capitaine Fracasse, qui, tout du long de ses deux volumes, semble écrit par un poëte du XVIe siècle, sans que la langue défaille un seul instant et se modernise entre trois siècles d’intervalle, a été fait sur un comptoir de la librairie Charpentier, au cours des besoins de la Revue nationale, dans laquelle le roman paraissait tous les quinze jours, et d’une manière absolument conforme, nul lexique aidant, pas même un ouvrage du temps, au milieu de quatre ou cinq commis occupés à des emballages.
Qu’on juge après cela de la puissance critique que pouvait déployer un tel esprit sur lequel tout se gravait ineffaçablement, jusqu’à la forme de l’aile d’une mouche qui vole !
Mais si vous ajoutez que cet homme avait depuis quarante-cinq ans vu et connu non-seulement les livres et les tableaux, mais tous les hommes célèbres et toutes les femmes fameuses de l’univers, qu’il avait été leur ami, leur juge, leur commensal ou leur hôte, que sa célébrité était si grande que les princes étrangers tenaient à honneur de venir lui rendre hommage dans sa petite maison de Neuilly et que les ambassadeurs de la Chine sollicitaient la faveur d’être admis à sa table, vous comprendrez de quel prix ont été pour moi les