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Page:Bergerat - Théophile Gautier, 1879, 2e éd.djvu/202

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THÉOPHILE GAUTIER.

dre au piége ; la surveillance se ralentit. Puis un matin, au déjeuner, il nous dit : « J’ai donc une maladie de cœur ? — Quelle idée ! fîmes-nous tous en pâlissant. — D’ailleurs je m’en doutais ! » ajouta-t-il, et il nous quitta avec un affreux sourire.

Nous nous précipitâmes sur les journaux ; dans le salon, au pied d’un fauteuil, nous en ramassâmes un, qui contenait cette information. Il l’avait lue ! C’est de ce jour que le maître s’est laissé mourir !… Je n’aime pas les reporters.

Je n’ai pas cité ce lamentable exemple des effets du reportage pour en conclure à la suppression de l’institution, quoique, à la vérité, je n’estime pas les services qu’elle peut rendre à l’égal du mal qu’elle cause, même le plus involontairement du monde. D’ailleurs le courant de la mode est un de ceux que l’on ne remonte point. Les entrepreneurs de journaux me semblent en cela assurément bien moins coupables que le public lui-même dont les curiosités oisives ont besoin de ce commérage quotidien. Le reportage est un produit de la vanité parisienne, la fleur morbide et empoisonnée de cette plante de serre chaude ; et tant qu’il y aura des gens pour désirer connaître les jolis scandales du grand et du petit monde, il y en aura aussi qui feront métier de les leur dépister pour de l’argent. Le jour où une aimable maîtresse de maison a dit à un journaliste, dans l’embrasure d’une fenêtre : « Si vous trouvez mon