Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/179

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de forces, et même s’en représenter le mode d’action par analogie avec un effort interne, mais il ne fera jamais intervenir cette hypothèse dans une explication scientifique. Ceux mêmes qui, avec Faraday, remplacent les atomes étendus par des points dynamiques, traiteront les centres de force et les lignes de force mathéma­tiquement, sans se soucier de la force elle-même, considérée comme activité ou effort. Il est donc entendu ici que le rapport de causalité externe est purement mathématique, et n’a aucune ressemblance avec le rapport de la force psychique à l’acte qui en émane.

Le moment est venu d’ajouter : le rapport de causalité interne est purement dynamique, et n’a aucune analogie avec le rapport de deux phénomènes exté­rieurs qui se conditionnent. Car ceux-ci, étant susceptibles de se reproduire dans un espace homogène, entreront dans la composition d’une loi, au lieu que les faits psychiques profonds se présentent à la conscience une fois, et ne reparaîtront jamais plus. Une analyse attentive du phénomène psychologique nous a amenés d’abord à cette conclusion : l’étude des notions de causalité et de durée, envisagées en elles-mêmes, n’a fait que la confirmer.

Nous pouvons maintenant formuler notre conception de la liberté.

On appelle liberté le rapport du moi concret à l’acte qu’il accomplit. Ce rapport est indéfinissable, précisément parce que nous sommes libres. On analyse, en effet, une chose, mais non pas un progrès ; on décompose de l’étendue, mais non pas de la durée. Ou bien, si l’on s’obstine à analyser quand même, on transforme inconsciemment le progrès en chose, et la durée en étendue. Par cela seul qu’on prétend décomposer le temps concret, on en déroule les moments dans l’espace homogène ; à la place du fait s’accom­plissant on met le fait accompli, et comme on a commencé par figer en quel­que sorte l’activité du moi, on