Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/57

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pour évaluer l’intensité objective de la source de lumière. En un mot, la psychophysique de M. Delbœuf suppose un postulat théorique de la plus haute importance, qui se dissimule en vain sous des apparences expérimentales, et que nous formulerions ainsi : « Quand on fait croître d’une manière continue la quantité objective de lumière, les différences entre les teintes grises successivement obtenues, différences qui traduisent chacune le plus petit accroissement perçu d’excitation physique, sont des quantités égales entre elles. Et de plus, on peut égaler l’une quelconque des sensations obtenues à la somme des différences qui séparent les unes des autres les sensations antérieures, depuis la sensation nulle. » — Or, c’est là précisément le postulat de la psychophysique de Fechner, que nous allons examiner.

Fechner est parti d’une loi découverte par Weber et d’après laquelle, étant donnée une certaine excitation provoquant une certaine sensation, la quantité d’excitation qu’il faut ajouter à la première pour que la conscience s’aperçoive d’un changement sera dans un rapport constant avec elle. Ainsi, en désignant par E l’excitation qui correspond à la sensation S, et par ∆E la quantité d’excitation de même nature qu’il faut ajouter à la première pour qu’une sensation de différence se produise, on aurait

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Cette formule a été profondément modifiée par les disciples de Fechner : nous n’interviendrons pas dans le débat ; il appartient à l’expérience de décider entre la relation établie par Weber et celles qu’on y substitue. Nous ne ferons d’ailleurs aucune difficulté pour admettre l’existence probable d’une loi de ce genre. Il ne s’agit pas ici, en effet, de mesurer la sensation, mais seulement de déterminer le moment précis où un accroissement d’excitation la fait changer. Or, si une quantité déterminée