Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/129

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d’avoir peur, je pourrai rêver, la nuit suivante, que le tramway m’écrase. Je veille pendant le jour un malade dont l’état est désespéré. Qu’une lueur d’espoir s’allume en moi un instant, — lueur fugitive, presque inaperçue, — mon rêve de la nuit pourra me montrer le malade guéri ; en tous cas je rêverai guérison plutôt que je ne rêverai mort ou maladie. Bref, ce qui revient de préférence est ce qui était le moins remarqué. Rien d’étonnant à cela. Le moi qui rêve est un moi distrait, qui se détend. Les souvenirs qui s’harmonisent le mieux avec lui sont les souvenirs de distraction, qui ne portent pas la marque de l’effort.

Telles sont les observations que je voulais vous présenter au sujet des rêves. Elles sont bien incomplètes. Encore ne portent-elles que sur les rêves que nous connaissons aujourd’hui, sur ceux dont on se souvient et qui appartiennent plutôt au sommeil léger. Quand on dort profondément, on fait peut-être des songes d’une autre nature, mais il n’en reste pas grand-chose au réveil. J’incline à croire, — mais pour des raisons surtout théoriques et par conséquent hypothétiques — que nous avons alors une vision beaucoup plus étendue et plus détaillée de notre passé. Sur ce sommeil profond la psychologie devra diriger son effort, non seulement pour y étudier la structure et le fonctionnement de la mémoire inconsciente, mais encore pour scruter les phénomènes plus mystérieux qui relèvent de la « recherche psychique ». Je ne m’aventurerai pas sur ce terrain ; je ne puis cependant m’empêcher d’attacher quelque importance aux observations recueillies avec un si infatigable zèle par la « Society for psychical Research ». Explorer l’inconscient, travailler dans le sous-