Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/180

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groupe d’impressions, notre unique objet est de bien retenir ce que nous apprenons. Nous ne nous soucions guère de ce que nous aurons à faire plus tard pour nous remémorer ce que nous aurons appris. Le mécanisme du rappel nous est indifférent ; l’essentiel est que nous puissions rappeler le souvenir, n’importe comment, quand nous en aurons besoin. C’est pourquoi nous employons simultanément ou successivement les procédés les plus divers, faisant jouer la mémoire machinale aussi bien que la mémoire intelligente, juxtaposant entre elles les images auditives, visuelles et motrices pour les retenir telles quelles à l’état brut, ou cherchant au contraire à leur substituer une idée simple qui en exprime le sens et qui permette, le cas échéant, d’en reconstituer la série. C’est pourquoi aussi, quand vient le moment du rappel, nous ne recourons pas exclusivement à l’intelligence ni exclusivement à l’automatisme : automatisme et réflexion se mêlent ici intimement, l’image évoquant l’image en même temps que l’esprit travaille sur des représentations moins concrètes. De là l’extrême difficulté que nous éprouvons à définir avec précision la différence entre les deux attitudes que prend l’esprit quand il se rappelle machinalement toutes les parties d’un souvenir complexe et quand, au contraire, il les reconstitue activement. Il y a presque toujours une part de rappel mécanique et une part de reconstitution intelligente, si bien mêlées ensemble que nous ne saurions dire où commence l’une et où finit l’autre. Toutefois, des cas exceptionnels se présentent où nous nous proposons d’apprendre une leçon compliquée en vue d’un rappel instantané et, autant que possible, machinal. D’un autre côté, il y a des cas où nous savons