Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/192

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me reviennent à l’esprit dans un ordre quelconque, s’appelant mécaniquement les uns les autres. Mais si je fais effort pour m’en remémorer telle ou telle période, c’est que je vais du tout de la période aux parties qui la composent, le tout m’apparaissant d’abord comme un schéma indivisé, avec une certaine coloration affective. Souvent d’ailleurs les images, après avoir simplement joué entre elles, me demandent de recourir au schéma pour les compléter. Mais quand j’ai le sentiment de l’effort, c’est sur le trajet du schéma à l’image.

Concluons pour le moment que l’effort de rappel consiste à convertir une représentation schématique, dont les éléments s’entrepénètrent, en une représentation imagée dont les parties se juxtaposent.

Il faudrait maintenant étudier l’effort d’intellection en général, celui que nous fournissons pour comprendre et pour interpréter. Je me bornerai ici à des indications, en renvoyant pour le reste à un travail antérieur[1].

L’acte d’intellection s’accomplissant sans cesse, il est difficile de dire ici où commence et où finit l’effort intellectuel. Toutefois il y a une certaine manière de comprendre et d’interpréter qui exclut l’effort, et il y en a une autre qui, sans l’impliquer nécessairement, est généralement observable là où il se produit.

L’intellection du premier genre est celle qui consiste, étant donné une perception plus ou moins complexe, à y répondre automatiquement par un acte approprié. Qu’est-ce que reconnaître un objet usuel sinon savoir s’en servir ?

  1. Matière et Méritoire, p. 89-141.