Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/236

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aura effacé des représentations extensives, en les frottant les unes contre les autres, les qualités qui les différencient dans la perception, on n’aura pas avancé d’un pas vers une réalité qui a été supposée en tension, et d’autant plus réelle, par conséquent, qu’elle est plus inextensive. Autant vaudrait s’imaginer qu’une pièce de monnaie usée, en perdant la marque précise de sa valeur, a acquis une puissance indéfinie d’achat.

4° L’idée que, si deux touts sont solidaires, chaque partie de l’un est solidaire d’une partie déterminée de l’autre. Alors, comme il n’y a pas d’état de conscience qui n’ait son concomitant cérébral, comme une variation de l’état cérébral ne va pas sans une variation de l’état de conscience (quoique la réciproque ne soit pas nécessairement vraie dans tous les cas), comme enfin une lésion de l’activité cérébrale entraîne une lésion de l’activité consciente, on conclut qu’à une fraction quelconque de l’état de conscience correspond une partie déterminée de l’état cérébral, et que l’un des deux termes est par conséquent substituable à l’autre. Comme si l’on avait le droit d’étendre au détail des parties, rapportées chacune à chacune, ce qui n’a été observé ou inféré que des deux touts, et de convertir ainsi un rapport de solidarité en une relation d’équivalent à équivalent ! La présence ou l’absence d’un écrou peuvent faire qu’une machine fonctionne ou ne fonctionne pas : s’ensuit-il que chaque partie de l’écrou corresponde à une partie de la machine, et que la machine ait son équivalent dans l’écrou ? Or la relation de l’état cérébral à la représentation pourrait bien être celle de l’écrou à la machine, c’est-à-dire de la partie au tout.

Ces quatre idées elles-mêmes en impliquent un grand