Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/26

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hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix.

Représentons-nous alors la matière vivante sous sa forme élémentaire, telle qu’elle a pu s’offrir d’abord. C’est une simple masse de gelée protoplasmique, comme celle de l’amibe ; elle est déformable à volonté, elle est donc vaguement consciente. Maintenant, pour qu’elle grandisse et qu’elle évolue, deux voies s’ouvrent à elle. Elle peut s’orienter dans le sens du mouvement et de l’action, — mouvement de plus en plus efficace, action de plus en plus libre : cela, c’est le risque et l’aventure, mais c’est aussi la conscience, avec ses degrés croissants de profondeur et d’intensité. Elle peut, d’autre part, abandonner la faculté d’agir et de choisir dont elle porte en elle l’ébauche, s’arranger pour obtenir sur place tout ce qu’il lui faut au lieu de l’aller chercher : c’est alors l’existence assurée, tranquille, bourgeoise, mais c’est aussi la torpeur, premier effet de l’immobilité ; c’est bientôt l’assoupissement définitif, c’est l’inconscience. Telles sont les deux voies qui s’offraient à l’évolution de la vie. La matière vivante s’est engagée en partie sur l’une, en partie sur l’autre. La première marque en gros la direction du monde animal (je dis « en gros », parce que bien des espèces animales renoncent au mouvement, et par là sans