Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/53

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testé par personne, et il y a loin de là à soutenir que le cérébral est l’équivalent du mental, qu’on pourrait lire dans un cerveau tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. Un vêtement est solidaire du clou auquel il est accroché ; il tombe si l’on arrache le clou ; il oscille si le clou remue il se troue, il se déchire si la tête du clou est trop pointue il ne s’ensuit pas que chaque détail du clou corresponde à un détail du vêtement, ni que le clou soit l’équivalent du vêtement ; encore moins s’ensuit-il que le clou et le vêtement soient la même chose. Ainsi, la conscience est incontestablement accrochée à un cerveau mais il ne résulte nullement de là que le cerveau dessine tout le détail de la conscience, ni que la conscience soit une fonction du cerveau. Tout ce que l’observation, l’expérience, et par conséquent la science nous permettent d’affirmer, c’est l’existence d’une certaine relation entre le cerveau et la conscience.

Quelle est cette relation ? Ah ! c’est ici que nous pouvons nous demander si la philosophie a bien donné ce qu’on était en droit d’attendre d’elle. À la philosophie incombe la tâche d’étudier la vie de l’âme dans toutes ses manifestations. Exercé à l’observation intérieure, le philosophe devrait descendre au-dedans de lui-même, puis, remontant à la surface, suivre le mouvement graduel par lequel la conscience se détend, s’étend, se prépare à évoluer dans l’espace. Assistant à cette matérialisation progressive, épiant les démarches par lesquelles la conscience s’extériorise, il obtiendrait tout au moins une intuition vague de ce que peut être l’insertion de l’esprit dans la matière, la relation du corps à l’âme. Ce ne serait sans doute qu’une première lueur, pas davan-