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LES DIRECTIONS DE L’ÉVOLUTION

cis deviennent les mouvements entre lesquels il a le choix, plus lumineuse aussi est la conscience qui les accompagne. Mais ni cette mobilité, ni ce choix, ni par conséquent cette conscience n’ont pour condition nécessaire la présence d’un système nerveux : celui-ci n’a fait que canaliser dans des sens déterminés, et porter à un plus haut degré d’intensité, une activité rudimentaire et vague, diffuse dans la masse de la substance organisée. Plus on descend dans la série animale, plus les centres nerveux se simplifient et se séparent aussi les uns des autres ; finalement, les éléments nerveux disparaissent, noyés dans l’ensemble d’un organisme moins différencié. Mais il en est ainsi de tous les autres appareils, de tous les autres éléments anatomiques ; et il serait aussi absurde de refuser la conscience à un animal, parce qu’il n’a pas de cerveau, que de le déclarer incapable de se nourrir parce qu’il n’a pas d’estomac. La vérité est que le système nerveux est né, comme les autres systèmes, d’une division du travail. Il ne crée pas la fonction, il la porte seulement à un plus haut degré d’intensité et de précision en lui donnant la double forme de l’activité réflexe et de l’activité volontaire. Pour accomplir un vrai mouvement réflexe, il faut tout un mécanisme monté dans la moelle ou dans le bulbe. Pour choisir volontairement entre plusieurs démarches déterminées, il faut des centres cérébraux, c’est-à-dire des carrefours d’où partent des voies conduisant à des mécanismes moteurs de configuration diverse et d’égale précision. Mais, là où ne s’est pas encore produite une canalisation en éléments nerveux, encore moins une concentration des éléments nerveux en un système, il y a quelque chose d’où sortiront, par voie de dédoublement, et le réflexe et le volontaire, quelque chose qui n’a ni la précision mécanique du premier ni les hésitations intelligentes du second, mais qui, parti-