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LA PLANTE ET L’ANIMAL

nous permettre de déterminer en termes plus précis ce qui unit les deux règnes, et aussi ce qui les sépare.

Supposons, comme nous le faisions entrevoir dans le précédent chapitre, qu’il y ait au fond de la vie un effort pour greffer, sur la nécessité des forces physiques, la plus grande somme possible d’indétermination. Cet effort ne peut aboutir à créer de l’énergie, ou, s’il en crée, la quantité créée n’appartient pas à l’ordre de grandeur sur lequel ont prise nos sens et nos instruments de mesure, notre expérience et notre science. Tout se passera donc comme si l’effort visait simplement à utiliser de son mieux une énergie préexistante, qu’il trouve à sa disposition. Il n’a qu’un moyen d’y réussir : c’est d’obtenir de la matière une telle accumulation d’énergie potentielle qu’il puisse, à un moment donné, en faisant jouer un déclic, obtenir le travail dont il a besoin pour agir. Lui-même ne possède que ce pouvoir de déclancher. Mais le travail de déclanchement, quoique toujours le même et toujours plus faible que n’importe quelle quantité donnée, sera d’autant plus efficace qu’il fera tomber de plus haut un poids plus lourd, ou, en d’autres termes, que la somme d’énergie potentielle accumulée et disponible sera plus considérable. En fait, la source principale de l’énergie utilisable à la surface de notre planète est le Soleil. Le problème était donc celui-ci : obtenir du Soleil que çà et là, à la surface de la terre, il suspendît partiellement et provisoirement sa dépense incessante d’énergie utilisable, qu’il en emmagasinât une certaine quantité, sous forme d’énergie non encore utilisée, dans des réservoirs appropriés d’où elle pourrait ensuite s’écouler au moment voulu, à l’endroit voulu, dans la direction voulue. Les substances dont s’alimente l’animal sont précisément des réservoirs de ce genre. Formées de molécules très complexes qui renferment, à l’état po-