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SCHÉMA DE LA VIE ANIMALE

réconcilier. D’une part, en effet, elle dessine une ligne bien déterminée entre un point et un autre point de la périphérie, celui-là sensoriel et celui-ci moteur. Elle a donc canalisé une activité d’abord diffuse dans la masse protoplasmique. Mais, d’autre part, les éléments qui la composent sont probablement discontinus ; en tous cas, à supposer qu’ils s’anastomosent entre eux, ils présentent une discontinuité fonctionnelle, car chacun d’eux se termine par une espèce de carrefour où, sans doute, l’influx nerveux peut choisir sa route. De la plus humble Monère jusqu’aux Insectes les mieux doués, jusqu’aux Vertébrés les plus intelligents, le progrès réalisé a été surtout un progrès du système nerveux avec, à chaque degré, toutes les créations et complications de pièces que ce progrès exigeait. Comme nous le faisions pressentir dès le début de ce travail, le rôle de la vie est d’insérer de l’indétermination dans la matière. Indéterminées, je veux dire imprévisibles, sont les formes qu’elle crée au fur et à mesure de son évolution. De plus en plus indéterminée aussi, je veux dire de plus en plus libre, est l’activité à laquelle ces formes doivent servir de véhicule. Un système nerveux, avec des neurones placés bout à bout de telle manière qu’à l’extrémité de chacun d’eux s’ouvrent des voies multiples où autant de questions se posent, est un véritable réservoir d’indétermination. Que l’essentiel de la poussée vitale ait passé à la création d’appareils de ce genre, c’est ce que nous paraît montrer un simple coup d’œil jeté sur l’ensemble du monde organisé. Mais, sur cette poussée même de la vie, quelques éclaircissements sont indispensables.


Il ne faut pas oublier que la force qui évolue à travers le monde organisé est une force limitée, qui toujours