Page:Bergson - L’Évolution créatrice.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
DÉVELOPPEMENT DE L’ANIMALITÉ

cette torpeur que vivent, aujourd’hui encore, les Échinodermes et même les Mollusques. Arthropodes et Vertébrés en furent sans doute menacés également. Ils y échappèrent, et à cette heureuse circonstance tient l’épanouissement actuel des formes les plus hautes de la vie.

Dans deux directions, en effet, nous voyons la poussée de la vie au mouvement reprendre le dessus. Les Poissons échangent leur cuirasse ganoïde pour des écailles. Longtemps auparavant, les Insectes avaient paru, débarrassés, eux aussi, de la cuirasse qui avait protégé leurs ancêtres. À l’insuffisance de leur enveloppe protectrice ils suppléèrent, les uns et les autres, par une agilité qui leur permettait d’échapper à leurs ennemis et aussi de prendre l’offensive, de choisir le lieu et le moment de la rencontre. C’est un progrès du même genre que nous observons dans l’évolution de l’armement humain. Le premier mouvement est de se chercher un abri ; le second, qui est le meilleur, est de se rendre aussi souple que possible pour la fuite et surtout pour l’attaque, — attaquer étant encore le moyen le plus efficace de se défendre. Ainsi le lourd hoplite a été supplanté par le légionnaire, le chevalier bardé de fer a dû céder la place au fantassin libre de ses mouvements, et, d’une manière générale, dans l’évolution de l’ensemble de la vie, comme dans celle des sociétés humaines, comme dans celle des destinées individuelles, les plus grands succès ont été pour ceux qui ont accepté les plus gros risques.

L’intérêt bien entendu de l’animal était donc de se rendre plus mobile. Comme nous le disions à propos de l’adaptation en général, on pourra toujours expliquer par leur intérêt particulier la transformation des espèces. On donnera ainsi la cause immédiate de la variation. Mais on n’en donnera souvent ainsi que la cause la plus super-