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DE LA SIGNIFICATION DE LA VIE

elle transcende la finalité, si l’on entend par finalité la réalisation d’une idée conçue ou concevable par avance. Le cadre de la finalité est donc trop étroit pour la vie dans son intégralité. Au contraire, il est souvent trop large pour telle ou telle manifestation de la vie, prise en particulier. Quoi qu’il en soit, c’est toujours à du vital qu’on a ici affaire, et toute la présente étude tend à établir que le vital est dans la direction du volontaire. On pourrait donc dire que ce premier genre d’ordre est celui du vital ou du voulu, par opposition au second, qui est celui de l’inerte et de l’automatique. Le sens commun fait d’ailleurs instinctivement la distinction entre les deux espèces d’ordre, au moins dans les cas extrêmes : instinctivement aussi, il les rapproche. Des phénomènes astronomiques on dira qu’ils manifestent un ordre admirable, entendant par là qu’on peut les prévoir mathématiquement. Et l’on trouvera un ordre non moins admirable à une symphonie de Beethoven, qui est la génialité, l’originalité et par conséquent l’imprévisibilité même.

Mais c’est par exception seulement que l’ordre du premier genre revêt une forme aussi distincte. En général, il se présente avec des caractères qu’on a tout intérêt a confondre avec ceux de l’ordre opposé. Il est bien certain, par exemple, que si nous envisagions l’évolution de la vie dans son ensemble, la spontanéité de son mouvement et l’imprévisibilité de ses démarches s’imposeraient à notre attention. Mais ce que nous rencontrons dans notre expérience courante, c’est tel ou tel vivant déterminé, telles ou telles manifestations spéciales de la vie, qui répètent à peu près des formes et des faits déjà connus : même, la similitude de structure que nous constatons partout entre ce qui engendre et ce qui est engendré, similitude qui nous permet d’enfermer un nombre indéfini d’individus