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DE LA SIGNIFICATION DE LA VIE

et états ne sont que des vues prises par notre esprit sur le devenir. Il n’y a pas de choses, il n’y a que des actions. Plus particulièrement, si je considère le monde où nous vivons, je trouve que l’évolution automatique et rigoureusement déterminée de ce tout bien lié est de l’action qui se défait, et que les formes imprévues qu’y découpe la vie, formes capables de se prolonger elles-mêmes en mouvements imprévus, représentent de l’action qui se fait. Or, j’ai tout lieu de croire que les autres mondes sont analogues au nôtre, que les choses s’y passent de la même manière. Et je sais qu’ils ne se sont pas tous constitués en même temps, puisque l’observation me montre, aujourd’hui même, des nébuleuses en voie de concentration. Si, partout, c’est la même espèce d’action qui s’accomplit, soit qu’elle se défasse soit quelle tente de se refaire, j’exprime simplement cette similitude probable quand je parle d’un centre d’où les mondes jailliraient comme les fusées d’un immense bouquet, — pourvu toutefois que je ne donne pas ce centre pour une chose, mais pour une continuité de jaillissement. Dieu, ainsi défini, n’a rien de tout fait ; il est vie incessante, action, liberté. La création, ainsi conçue, n’est pas un mystère ; nous l’expérimentons en nous dès que nous agissons librement. Que des choses nouvelles puissent s’ajouter aux choses qui existent, cela est absurde, sans aucun doute, puisque la chose résulte d’une solidification opérée par notre entendement, et qu’il n’y a jamais d’autres choses que celles que l’entendement a constituées. Parler de choses qui se créent reviendrait donc à dire que l’entendement se donne plus qu’il ne se donne, — affirmation contradictoire avec elle-même, représentation vide et vaine. Mais que l’action grossisse en avançant, qu’elle crée au fur et à mesure de son progrès, c’est ce que