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SIGNIFICATION DE L’ÉVOLUTION

lution de la vie. On dégagera plus nettement ce qu’il y a d’accidentel, ce qu’il y a d’essentiel dans cette évolution.

L’élan de vie dont nous parlons consiste, en somme, dans une exigence de création. Il ne peut créer absolument, parce qu’il rencontre devant lui la matière, c’est-à-dire le mouvement inverse du sien. Mais il se saisit de cette matière, qui est la nécessité même, et il tend à y introduire la plus grande somme possible d’indétermination et de liberté. Comment s’y prend-il ?

Un animal élevé dans la série peut se représenter en gros, disions-nous, par un système nerveux sensori-moteur posé sur des systèmes digestif, respiratoire, circulatoire, etc. Ces derniers ont pour rôle de le nettoyer, de le réparer, de le protéger, de le rendre aussi indépendant que possible des circonstances extérieures, mais, par-dessus tout, de lui fournir l’énergie qu’il dépensera en mouvements. La complexité croissante de l’organisme tient donc théoriquement (malgré les innombrables exceptions dues aux accidents de l’évolution) à la nécessité de compliquer le système nerveux. Chaque complication d’une partie quelconque de l’organisme en entraîne d’ailleurs beaucoup d’autres, parce qu’il faut bien que cette partie elle-même vive, tout changement en un point du corps ayant sa répercussion partout. La complication pourra donc aller à l’infini dans tous les sens : mais c’est la complication du système nerveux qui conditionne les autres en droit, sinon toujours en fait. Maintenant, en quoi consiste le progrès du système nerveux lui-même ? En un développement simultané de l’activité automatique et de l’activité volontaire, la première fournissant à la seconde un instrument approprié. Ainsi, dans un organisme tel que le nôtre, un nombre considérable de méca-