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PLATON ET ARISTOTE

rapport à l’intelligence discursive, en mouvement dans le temps, le même rôle que joue le Moteur immobile lui-même par rapport au mouvement du ciel et au cours des choses.

On trouverait donc, immanente à la philosophie des Idées, une conception sui generis de la causalité, conception qu’il importe de mettre en pleine lumière, parce que c’est celle où chacun de nous arrivera quand il suivra jusqu’au bout, pour remonter jusqu’à l’origine des choses, le mouvement naturel de l’intelligence. À vrai dire, les philosophes anciens ne l’ont jamais formulée explicitement. Ils se sont bornés à en tirer les conséquences et, en général, ils nous ont signalé des points de vue sur elle plutôt qu’ils ne nous l’ont présentée elle-même. Tantôt, en effet, on nous parle d’une attraction, tantôt d’une impulsion exercée par le premier moteur sur l’ensemble du monde. Les deux vues se trouvent chez Aristote, qui nous montre dans le mouvement de l’univers une aspiration des choses à la perfection divine et par conséquent une ascension vers Dieu, tandis qu’il le décrit ailleurs comme l’effet d’un contact de Dieu avec la première sphère et comme descendant, par conséquent, de Dieu aux choses. Les Alexandrins n’ont d’ailleurs fait, croyons-nous, que suivre cette double indication quand ils ont parlé de procession et de conversion : tout dérive du premier principe et tout aspire à y rentrer. Mais ces deux conceptions de la causalité divine ne peuvent s’identifier ensemble que si on les ramène l’une et l’autre à une troisième, que nous tenons pour fondamentale et qui seule fera comprendre, non seulement pourquoi, en quel sens, les choses

    γίνεσθαι, ὁ δέ τῷ πάντα ποιεῖν, ώς ἔξις τις, οἷον τὸ φῶς · τρόπον γάρ τινα καὶ τὸ φῶς ποιεῖ τά δυνάμει ὄντα χρώματα ἐνεργείᾳ χρώματα.