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PLATON ET ARISTOTE

figurer cette première dégradation du principe divin comme une sphère tournant sur elle-même, imitant par la perpétuité de son mouvement circulaire l’éternité du circulus de la pensée divine, créant d’ailleurs son propre lieu et, par là, le lieu en général[1], puisque rien ne la contient et qu’elle ne change pas de place, créant aussi sa propre durée et, par là, la durée en général, puisque son mouvement est la mesure de tous les autres[2]. Puis, de degré en degré, nous verrons la perfection décroître jusqu’à notre monde sublunaire, où le cycle de la génération, de la croissance et de la mort imite une dernière fois, en le gâtant, le circulus originel. Ainsi entendue, la relation causale entre Dieu et le monde apparaît comme une attraction si l’on regarde d’en bas, une impulsion ou une action par contact si l’on regarde d’en haut, puisque le premier ciel avec son mouvement circulaire est une imitation de Dieu, et que l’imitation est la réception d’une forme. Donc, selon qu’on regarde dans un sens ou dans l’autre, on aperçoit Dieu comme cause efficiente ou comme cause finale. Et pourtant, ni l’une ni l’autre de ces deux relations n’est la relation causale définitive. La vraie relation est celle qu’on trouve entre les deux membres d’une équation, dont le premier membre est un terme unique et le second une sommation d’un nombre indéfini de termes. C’est, si l’on veut, le rapport de la pièce d’or à sa monnaie, pourvu qu’on suppose la monnaie s’offrant automatiquement dès que la pièce d’or est présentée. Ainsi seulement on comprendra qu’Aristote ait démontré

  1. De Cælo, II, 287 a 12 : τῆς ἐσχάτης περιφορᾶς οὔτε κενόν ἐστιν ἔξωθεν οὔτε τόπος. Phys., IV, 212 a 34 : τὸ δὲ πᾶν ἔστι μὲν ὡς κινήσεται ἔστι δ'ὡς οὔ. Ὡς μὲν γὰρ ὅλον, ἅμα τὸν τὀπον οὐ μεταϐάλλει · κύκλῳ δὲ κινήσεται, τῶν μορίων γὰρ οὗτος ὁ τόπος.
  2. De Cælo, I, 279 a 12 : οὐδε χρόνος ἐστιν ἔξω τοῦ οὐρανοῦ. Phys., VIII, 251 b 27 : ὁ χρόνος πάθος τι κινήσεως.