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L’ÉVOLUTIONISME DE SPENCER

lisé, étant un point terminus de l’évolution au même titre que la volonté consolidée, ne saurait être supposé au départ. Que le premier des deux termes ait atteint plus vite que l’autre sa forme définitive, c’est fort probable ; mais l’un et l’autre sont des dépôts du mouvement évolutif, et le mouvement évolutif lui-même ne peut pas plus s’exprimer en fonction du premier tout seul que du second uniquement. Il faudrait commencer par mêler le réflexe et le volontaire ensemble. Il faudrait ensuite aller à la recherche de la réalité fluide qui se précipite sous cette double forme et qui, sans doute, participe de l’un et de l’autre sans être aucun des deux. Au plus bas degré de l’échelle animale, chez des êtres vivants qui se réduisent a une masse protoplasmique indifférenciée, la réaction à l’excitation ne met pas encore en œuvre un mécanisme déterminé, comme dans le réflexe ; elle n’a pas encore le choix entre plusieurs mécanismes déterminés, comme dans l’acte volontaire ; elle n’est donc ni volontaire ni réflexe, et pourtant elle annonce l’un et l’autre. Nous expérimentons en nous-mêmes quelque chose de la véritable activité originelle, quand nous exécutons des mouvements semi-volontaires et semi-automatiques pour échapper à un danger pressant : encore n’est-ce là qu’une bien imparfaite imitation de la démarche primitive, car nous avons affaire alors à un mélange de deux activités déjà constituées, déjà localisées dans un cerveau et dans une moelle, tandis que l’activité première est chose simple, qui se diversifie par la production même de mécanismes comme ceux de la moelle et du cerveau. Mais sur tout cela Spencer ferme les yeux, parce qu’il est de l’essence de sa méthode de recomposer le consolidé avec du consolidé, au lieu de retrouver le travail graduel de consolidation, qui est l’évolution même.