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L’ÉVOLUTIONSIME DE SPENCER

nous dit, est lestée de géométrie, et elle ne dure, elle réalité qui descend, que par sa solidarité avec ce qui monte. Mais la vie et la conscience sont cette montée même. Quand une fois on les a saisies dans leur essence en adoptant leur mouvement, on comprend comment le reste de la réalité dérive d’elles. L’évolution apparaît, et, au sein de cette évolution, la détermination progressive de la matérialité et de l’intellectualité par la consolidation graduelle de l’une et de l’autre. Mais c’est alors dans le mouvement évolutif qu’on s’insère, pour le suivre jusque dans ses résultats actuels, au lieu de recomposer artificiellement ces résultats avec des fragments d’eux-mêmes. Telle nous paraît être la fonction propre de la philosophie. Ainsi comprise, la philosophie n’est pas seulement le retour de l’esprit a lui-même, la coïncidence de la conscience humaine avec le principe vivant d’où elle émane, une prise de contact avec l’effort créateur. Elle est l’approfondissement du devenir en général, l’évolutionisme vrai, et par conséquent le vrai prolongement de la science, — pourvu qu’on entende par ce dernier mot un ensemble de vérités constatées ou démontrées, et non pas une certaine scolastique nouvelle qui a poussé pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle autour de la physique de Galilée, comme l’ancienne autour d’Aristote.