Les quatre thèses de Berkeley sont sorties de là, parce que ce mouvement a rencontré sur sa route les idées et les problèmes que soulevaient les contemporains de Berkeley. En d’autres temps, Berkeley eût sans doute formulé d’autres thèses ; mais, le mouvement étant le même, ces thèses eussent été situées de la même manière par rapport les unes aux autres ; elles auraient eu la même relation entre elles, comme de nouveaux mots d’une nouvelle phrase entre lesquels continue à courir un ancien sens ; et c’eût été la même philosophie.
La relation d’une philosophie aux philosophies antérieures et contemporaines n’est donc pas ce que nous ferait supposer une certaine conception de l’histoire des systèmes. Le philosophe ne prend pas des idées préexistantes pour les fondre dans une synthèse supérieure ou pour les combiner avec une idée nouvelle. Autant vaudrait croire que, pour parler, nous allons chercher des mots que nous cousons ensuite ensemble au moyen d’une pensée. La vérité est qu’au-dessus du mot et au-dessus de la phrase il y a quelque chose de beaucoup plus simple qu’une phrase et même qu’un mot : le sens, qui est moins une chose pensée qu’un mouvement de pensée, moins un mouvement qu’une direction. Et de même que l’impulsion donnée à la vie embryonnaire détermine la division d’une cellule primitive en cellules qui se divisent à leur tour jusqu’à ce que l’organisme complet soit formé, ainsi le mouvement caractéristique de tout acte de pensée amène cette pensée, par une subdivision croissante d’elle-même, à s’étaler de plus en plus sur les plans successifs de l’esprit jusqu’à ce qu’elle atteigne celui de la parole. Là, elle s’exprime par une phrase, c’est-à-dire par un groupe d’éléments préexistants ; mais elle peut choisir presque arbitrairement les premiers éléments du groupe pourvu que