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Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/147

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Tandis que le Savant, astreint à prendre sur le mouvement des vues immobiles et à cueillir des répétitions le long de ce qui ne se répète pas, attentif aussi à diviser commodément la réalité sur les plans successifs où elle est déployée afin de la soumettre à l’action de l’homme, est obligé de ruser avec la nature, d’adopter vis-à-vis d’elle une attitude de défiance et de lutte, le philosophe la traite en camarade. La règle de la science est celle qui a été posée par Bacon : obéir pour commander. Le philosophe n’obéit ni ne commande il cherche à sympathiser.

De ce point de vue encore, l’essence de la philosophie est l’esprit de simplicité. Que nous envisagions l’esprit philosophique en lui-même ou dans ses œuvres, que nous comparions la philosophie à la science ou une philosophie à d’autres philosophies, toujours nous trouvons que la complication est superficielle, la construction un accessoire, la synthèse une apparence : philosopher est un acte simple.


Plus nous nous pénétrerons de cette vérité, plus nous inclinerons à faire sortir la philosophie de l’école et à la rapprocher de la vie. Sans doute l’attitude de la pensée commune, telle qu’elle résulte de la structure des sens, de l’intelligence et du langage, est plus voisine de l’attitude de la science que de celle de la philosophie. Je n’entends pas seulement par là que les catégories générales de notre pensée sont celles mêmes de la science, que les grandes routes tracées par nos sens à travers la continuité du réel sont celles par où la science passera, que la perception est une science naissante, la science une perception adulte, et que la connaissance usuelle et la connaissance scientifique, destinées l’une et l’autre à préparer notre action sur les choses, sont nécessairement deux visions du même genre, quoique