Au fond des doctrines qui méconnaissent la nouveauté radicale de chaque moment de l’évolution il y a bien des malentendus, bien des erreurs. Mais il y a surtout l’idée que le possible est moins que le réel, et que, pour cette raison, la possibilité des choses précède leur existence. Elles seraient ainsi représentables par avance ; elles pourraient être pensées avant d’être réalisées. Mais c’est l’inverse qui est la vérité. Si nous laissons de côté les systèmes clos, soumis à des lois purement mathématiques, isolables parce que la durée ne mord pas sur eux, si nous considérons l’ensemble de la réalité concrète ou tout simplement le monde de la vie, et à plus forte raison celui de la conscience, nous trouvons qu’il y a plus, et non pas moins, dans la possibilité de chacun des états successifs que dans leur réalité. Car le possible n’est que le réel avec, en plus, un acte de l’esprit qui en rejette l’image dans le passé une fois qu’il s’est produit. Mais c’est ce que nos habitudes intellectuelles nous empêchent d’apercevoir.
Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/308
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Henri Bergson.