DEUXIÈME CONFÉRENCE
Mesdames, Messieurs,
Vous m’avez prêté hier une attention si soutenue que vous ne devrez pas vous étonner si je suis tenté d’en abuser aujourd’hui. Je vais vous demander de faire un effort un peu violent pour écarter quelques-uns des schémas artificiels que nous interposons, à notre insu, entre la réalité et nous. Il s’agit de rompre avec certaines habitudes de penser et de percevoir qui nous sont devenues naturelles. Il faut revenir à la perception directe, immédiate, du changement et de la mobilité. Voici, à ce qu’il me semble, le premier résultat de cet effort. Nous devons nous représenter tout changement, tout mouvement, comme absolument indivisibles.
Commençons par le mouvement. J’ai la main au point A. Je la transporte au point B, parcourant l’intervalle AB. Je dis que ce mouvement de A en B est chose simple.
Mais de ceci chacun de nous a la sensation directe et immédiate. Sans doute, pendant que nous portons notre main de A en B, nous nous disons que nous pourrions l’arrêter en un point intermédiaire, mais alors ce ne serait plus le même mouvement. Il n’y aurait plus un mouvement unique de A en B ; il y aurait, par hypothèse, deux mouvements, avec un intervalle d’arrêt. Ni du dedans, par le sens musculaire, ni du dehors par la vue, nous n’aurions encore la même perception. Si nous laissons notre mouvement de A en B tel qu’il est, nous le sentons indivisé et nous devons le déclarer indivisible.
Il est vrai que, lorsque je regarde ma main allant de