Page:Bergson - Le Rire.djvu/184

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laissent derrière eux une reconnaissance durable. Elle-même est à peine un vice, et néanmoins tous les vices gravitent autour d’elle et tendent, en se raffinant, à n’être plus que des moyens de la satisfaire. Issue de la vie sociale, puisque c’est une admiration de soi fondée sur l’admiration qu’on croit inspirer aux autres, elle est plus naturelle encore, plus universellement innée que l’égoïsme, car de l’égoïsme la nature triomphe souvent, tandis que c’est par la réflexion seulement que nous venons à bout de la vanité. Je ne crois pas, en effet, que nous naissions jamais modestes, à moins qu’on ne veuille appeler encore modestie une certaine timidité toute physique, qui est d’ailleurs plus près de l’orgueil qu’on ne le pense. La modestie vraie ne peut être qu’une méditation sur la vanité. Elle naît du spectacle des illusions d’autrui et de la crainte de s’égarer soi-même. Elle est comme une circonspection scientifique à l’égard de ce qu’on dira et de ce qu’on pensera de soi. Elle est faite de corrections et de retouches. Enfin c’est une vertu acquise.

Il est difficile de dire à quel moment précis le