Page:Bergson - Le Rire.djvu/57

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Nous pourrions multiplier les exemples ; nous n’aurions qu’à faire défiler devant nous, l’un après l’autre, tous les médecins de Molière. Si loin que paraisse d’ailleurs aller ici la fantaisie comique, la réalité se charge quelquefois de la dépasser. Un philosophe contemporain, argumentateur à outrance, auquel on représentait que ses raisonnements irréprochablement déduits avaient l’expérience contre eux, mit fin à la discussion par cette simple parole : « L’expérience a tort. » C’est que l’idée de régler administrativement la vie est plus répandue qu’on ne le pense ; elle est naturelle à sa manière, quoique nous venions de l’obtenir par un procédé de artificiel recomposition. On pourrait dire qu’elle nous livre la quintessence même du pédantisme, lequel n’est guère autre chose, au fond, que l’art prétendant en remontrer à la nature.

Ainsi, en résumé, le même effet va toujours se subtilisant, depuis l’idée d’une mécanisation artificielle du corps humain, si l’on peut s’exprimer ainsi, jusqu’à celle d’une substitution quelconque de l’artificiel au naturel. Une logique de moins en moins serrée, qui ressemble de plus en