Page:Bergson - Le Rire.djvu/59

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geons ce qu’il y a en lui de pesant, de résistant, de matériel enfin ; nous oublions sa matérialité pour ne penser qu’à sa vitalité, vitalité que notre imagination attribue au principe même de la vie intellectuelle et morale. Mais supposons qu’on appelle notre attention sur cette matérialité du corps. Supposons qu’au lieu de participer de la légèreté du principe qui l’anime, le corps ne soit plus à nos yeux qu’une enveloppe lourde et embarrassante, lest importun qui retient à terre une âme impatiente de quitter le sol. Alors le corps deviendra pour l’âme ce que le vêtement était tout à l’heure pour le corps lui-même, une matière inerte posée sur une énergie vivante. Et l’impression du comique se produira dès que nous aurons le sentiment net de cette superposition. Nous l’aurons surtout quand on nous montrera l’âme taquinée par les besoins du corps, — d’un côté la personnalité morale avec son énergie intelligemment variée, de l’autre le corps stupidement monotone, intervenant et interrompant avec son obstination de machine. Plus ces exigences du corps seront mesquines et uniformément répétées,