Page:Bergson - Le Rire.djvu/83

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des cas où tout l’intérêt d’une scène est dans un personnage unique qui se dédouble, son interlocuteur jouant le rôle d’un simple prisme, pour ainsi dire, au travers duquel s’effectue le dédoublement. Nous risquons alors de faire fausse route si nous cherchons le secret de l’effet produit dans ce que nous voyons et entendons, dans la scène extérieure qui se joue entre les personnages, et non pas dans la comédie intérieure que cette scène ne fait que réfracter. Par exemple, quand Alceste répond obstinément « Je ne dis pas cela ! » à Oronte qui lui demande s’il trouve ses vers mauvais, la répétition est comique, et pourtant il est clair qu’Oronte ne s’amuse pas ici avec Alceste au jeu que nous décrivions tout à l’heure. Mais qu’on y prenne garde ! il y a en réalité ici deux hommes dans Alceste, d’un côté le « misanthrope » qui s’est juré maintenant de dire aux gens leur fait, et d’autre part le gentilhomme qui ne peut désapprendre tout d’un coup les formes de la politesse, ou même peut-être simplement l’homme excellent, qui recule au moment décisif où il faudrait passer de la théorie à l’action, blesser un amour-propre, faire de la