Page:Bergson - Le Rire.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont de vieilles connaissances. Ils se sont adressés tous deux, chacun de son côté, à une même agence matrimoniale. À travers mille difficultés, et de mésaventure en mésaventure, ils courent côte à côte, le long de la pièce, à l’entrevue qui les remet purement et simplement en présence l’un de l’autre. Même effet circulaire, même retour au point de départ dans une pièce plus récente. Un mari persécuté croit échapper à sa femme et à sa belle-mère par le divorce. Il se remarie ; et voici que le jeu combiné du divorce et du mariage lui ramène son ancienne femme, aggravée, sous forme de nouvelle belle-mère.

Quand on songe à l’intensité et à la fréquence de ce genre de comique, on comprend qu’il ait frappé l’imagination de certains philosophes. Faire beaucoup de chemin pour revenir, sans le savoir, au point de départ, c’est fournir un grand effort pour un résultat nul. On pouvait être tenté de définir le comique de cette dernière manière. Telle paraît être l’idée de Herbert Spencer : le rire serait l’indice d’un effort qui rencontre tout à coup le vide. Kant disait déjà : « Le rire vient d’une attente