Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/305

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ou à peu près, à ses ancêtres les plus lointains .

Quelle conclusion tirer de là ? Puisque les dispositions de l’espèce subsistent, immuables, au fond de chacun de nous, il est impossible que le moraliste et le sociologue n’aient pas à en tenir compte. Certes, il n’a été donné qu’à un petit nombre de creuser d’abord sous l’acquis, puis sous la nature, et de se replacer dans l’élan même de la vie. Si un tel effort pouvait se généraliser, ce n’est pas à l’espèce humaine, ni par conséquent à une société close, que l’élan se fût arrêté comme à une impasse. Il n’en est pas moins vrai que ces privilégiés voudraient entraîner avec eux l’humanité ; ne pouvant communiquer à tous leur état d’âme dans ce qu’il a de profond, ils le transposent superficiellement ; ils cherchent une traduction du dynamique en statique, que la société soit à même d’accepter et de rendre définitive par l’éducation. Or, ils n’y réussiront que dans la mesure où ils auront pris en considération la nature. Cette nature, l’humanité dans son ensemble ne saurait la forcer. Mais elle peut la tourner. Et elle ne la tournera que si elle en connaît la configuration. La tâche serait malaisée, s’il fallait se lancer pour cela dans l’étude de la psychologie en général. Mais il ne s’agit que d’un point particulier : la nature humaine en tant que prédisposée à une certaine forme sociale.