Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/72

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ment, l’attitude qu’il prend quand il se lève. Bref, entre le statique et le dynamique on observe en morale une transition. Cet état intermédiaire passerait inaperçu si l’on prenait, au repos, l’élan nécessaire pour sauter tout d’un coup au mouvement. Mais il frappe l’attention quand on s’y arrête, — signe ordinaire d’une insuffisance d’élan. Disons la même chose sous une autre forme. Nous avons vu que le pur statique, en morale, serait de l’infra-intellectuel, et le pur dynamique du supra-intellectuel. L’un a été voulu par la nature, l’autre est un apport du génie humain. Celui-là caractérise un ensemble d’habitudes qui correspondent symétriquement, chez l’homme, à certains instincts de l’animal ; il est moins qu’intelligence. Celui-ci est aspiration, intuition et émotion ; il s’analysera en idées qui en seront des notations intellectuelles et dont le détail se poursuivra indéfiniment ; il contient donc, comme une unité qui envelopperait et dépasserait une multiplicité incapable de lui équivaloir, toute l’intellectualité qu’on voudra ; il est plus qu’intelligence. Entre les deux, il y a l’intelligence même. Là fût demeurée l’âme humaine, si elle s’était élancée de l’un sans aller jusqu’à l’autre. Elle eût dominé la morale de l’âme close ; elle n’eût pas encore atteint ou plutôt créé celle de l’âme ouverte. Son attitude, effet d’un redressement, lui aurait fait toucher le plan de l’intellectualité. Par rapport à ce qu’elle viendrait de quitter, une telle âme pratiquerait l’indifférence ou l’insensibilité ; elle serait dans l’« ataraxie » ou l’« apathie » des épicuriens et des stoïciens. Par rapport à ce qu’elle trouve de positif en elle, si son détachement de l’ancien veut être un attachement à du nouveau, sa vie serait contemplation ; elle se conformerait à l’idéal de Platon et d’Aristote. Par quelque côté qu’on la considère, l’attitude sera droite,