Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/296

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dissocient : elles finissent par s’opposer sur cet autre plan extrême où aucune action n’adhère plus aux images. Le choix d’une ressemblance parmi beaucoup de ressemblances, d’une contiguïté parmi d’autres contiguïtés, ne s’opère donc pas au hasard : il dépend du degré sans cesse variable de tension de la mémoire, qui, selon qu’elle incline davantage à s’insérer dans l’action présente ou à s’en détacher, se transpose tout entière dans un ton ou dans un autre. Et c’est aussi ce double mouvement de la mémoire entre ses deux limites extrêmes qui dessine, comme nous l’avons montré, les premières notions générales, l’habitude motrice remontant vers les images semblables pour en extraire les similitudes, les images semblables redescendant vers l’habitude motrice pour se confondre, par exemple, dans la prononciation automatique du mot qui les unit. La généralité naissante de l’idée consiste donc déjà dans une certaine activité de l’esprit, dans un mouvement entre l’action et la représentation. Et c’est pourquoi il sera toujours facile à une certaine philosophie, disions-nous, de localiser l’idée générale à une des deux extrémités, de la faire cristalliser en mots ou évaporer en souve­nirs, alors qu’elle consiste en réalité dans la marche de l’esprit qui va d’une extrémité à l’autre.

IX. — En nous représentant ainsi l’activité mentale élémentaire, en faisant cette fois de notre corps, avec tout ce qui l’environne, le dernier plan de notre mémoire, l’image extrême, la pointe mouvante que notre passé pousse à tout moment dans notre avenir, nous confirmions et nous éclaircissions ce que nous avions dit du rôle du corps, en même temps que nous préparions les voies à un rapprochement entre le corps et l’esprit.

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