Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/32

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riel, image par conséquent si l’univers est image. Puis, comme on veut que les mouvements intérieurs de ce cerveau créent ou déterminent la représentation du monde matériel tout entier, image qui déborde infiniment celle des vibrations cérébrales, on affecte de ne plus voir dans ces mouve­ments moléculaires, ni dans le mouvement en général, des images comme les autres, mais quelque chose qui serait plus ou moins qu’une image, en tout cas d’une autre nature que l’image, et d’où la représentation sortirait par un véritable miracle. La matière devient ainsi chose radicalement différente de la représentation, et dont nous n’avons par conséquent aucune image ; en face d’elle on pose une conscience vide d’images, dont nous ne pouvons nous faire aucune idée ; enfin, pour remplir la conscience, on invente une action incom­préhensible de cette matière sans forme sur cette pensée sans matière. Mais la vérité est que les mouvements de la matière sont très clairs en tant qu’images, et qu’il n’y a pas lieu de chercher dans le mouvement autre chose que ce qu’on y voit. L’unique difficulté consisterait à faire naître de ces images très particulières la variété infinie des représentations ; mais pourquoi y songerait-on, alors que, de l’avis de tous, les vibrations cérébrales font partie du monde matériel, et que ces images, par conséquent, n’occupent qu’un très petit coin de la représentation ? — Que sont donc enfin ces mouvements, et quel rôle ces images particulières jouent-elles dans la représentation du tout ? — Je n’en saurais douter : ce sont, à l’intérieur de mon corps, des mouvements destinés à préparer, en la commençant, la réaction de mon corps à l’action des objets extérieurs. Images eux-mêmes, ils ne peuvent créer des images ; mais ils marquent à tout moment, comme