Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/37

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un des deux systèmes, et on cherche à en déduire l’autre.

Mais, dans cette déduction, ni le réalisme ni l’idéalisme ne peuvent abou­tir, parce qu’aucun des deux systèmes d’images n’est impliqué dans l’autre, et que chacun d’eux se suffit. Si vous vous donnez le système d’images qui n’a pas de centre, et où chaque élément possède sa grandeur et sa valeur absolues, je ne vois pas pourquoi ce système s’en adjoint un second, où chaque image prend une valeur indéterminée, soumise à toutes les vicissitudes d’une image centrale. Il faudra donc, pour engendrer la perception, évoquer quelque deus ex machina tel que l’hypothèse matérialiste de la conscience-épiphénomène. On choisira, parmi toutes les images aux changements absolus qu’on aura posées d’abord, celle que nous appelons notre cerveau, et on conférera aux états intérieurs de cette image le singulier privilège de se doubler, on ne sait comment, de la reproduction cette fois relative et variable de toutes les autres. Il est vrai qu’on affectera ensuite de n’attacher aucune importance à cette représentation, d’y voir une phosphorescence que laisseraient derrière elles les vibrations cérébrales : comme si la substance cérébrale, les vibrations céré­brales, enchâssées dans les images qui composent cette représentation, pouvaient être d’une autre nature qu’elles ! Tout réalisme fera donc de la perception un accident, et par conséquent un mystère. Mais inversement, si vous vous donnez un système d’images instables disposées autour d’un centre privilégié et se modifiant profondément pour des déplacements insensibles de ce centre, vous excluez d’abord l’ordre de la nature, cet ordre indifférent au point où l’on se place et au terme par où l’on commence. Vous ne pourrez rétablir cet ordre qu’en évoquant à votre tour un deus ex machina, en suppo­sant,