Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ments, en diminuant notre action possible, diminuera d’autant la perception. En d’autres termes, s’il existe dans le monde matériel des points où les ébranlements recueillis ne sont pas mécaniquement transmis, s’il y a, comme nous le disions, des zones d’indétermination, ces zones doivent précisément se rencontrer sur le trajet de ce qu’on appelle le processus sensori-moteur ; et dès lors tout doit se passer comme si les rayons Pa, Pb, Pc étaient perçus le long de ce trajet et projetés ensuite en P. Bien plus, si cette indé­termination est chose qui échappe à l’expérimentation et au calcul, il n’en est pas de même des éléments nerveux sur lesquels l’impression est recueillie et transmise. C’est donc de ces éléments que devront s’occuper physiologistes et psychologues ; sur eux se réglera et par eux s’expliquera tout le détail de la perception extérieure. On pourra dire, si l’on veut, que l’excitation, après avoir cheminé le long de ces éléments, après avoir gagné le centre, s’y convertit en une image consciente qui est extériorisée ensuite au point P. Mais, en s’expri­mant ainsi, on se pliera simplement aux exigences de la méthode scientifique ; on ne décrira pas du tout le processus réel. En fait, il n’y a pas une image inextensive qui se formerait dans la conscience et se projetterait ensuite en P. La vérité est que le point P, les rayons qu’il émet, la rétine et les éléments nerveux intéressés forment un tout solidaire, que le point lumineux P fait partie de ce tout, et que c’est bien en P, et non pas ailleurs, que l’image de P est formée et perçue.

En nous représentant ainsi les choses, nous ne faisons que revenir à la conviction naïve du sens commun. Tous, nous avons commencé par croire que nous entrions dans l’objet mê