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BERKELEY

au sens, et en tirer profit, que de s’arrêter à des remarques grammaticales sur le langage, ainsi en lisant le livre de la nature il me semble au-dessous de la dignité de l’esprit d’affecter une rigoureuse exactitude dans la réduction de chaque phénomène particulier à des règles générales, ou dans l’explication de la manière dont il résulte de ces règles. Nous devons nous proposer de plus nobles objets, comme d’élever et de récréer l’intelligence par la contemplation de la beauté, de l’ordre, de la grandeur et de la variété des choses naturelles ; puis d’agrandir par des inférences convenables les notions que nous possédons de la magnificence, de la sagesse et de la bonté du Créateur ; faire servir, enfin, autant qu’il est en nous, les différentes parties de la nature aux fins pour lesquelles elles ont été destinées : la gloire de Dieu, notre conservation et notre bien-être et ceux des créatures nos semblables.

110. [La meilleure grammaire de l’espèce dont nous parlons, est, on le reconnaîtra sans peine, un traité de Mécanique, démontré et appliqué à la nature par un philosophe d’une nation voisine, que le monde entier admire[1]. Je ne me permettrai pas de faire des remarques sur l’œuvre exécutée par ce génie extraordinaire. Seulement certaines choses qu’il a avancées sont si directement contraires à la doctrine que j’ai exposée jusqu’ici, que je croirais manquer à ce qu’on doit à l’autorité d’un si grand homme si je passais sans m’y arrêter[2].] Au début de ce traité justement admiré, le temps, l’espace et le mouvement sont distingués en absolus et relatifs, vrais et apparents, mathématiques et vulgaires. Cette distinction, ainsi que l’auteur l’explique amplement, suppose que ces quantités ont une existence hors de l’esprit, et qu’elles sont ordinairement conçues en relation avec les choses sensibles, avec lesquelles néanmoins elles ne soutiennent, en leur nature propre, aucune relation.

  1. C’est de Newton qu’il s’agit, et Berkeley dit : « d’une nation voisine » parce que son livre (première édition) paraissait en Irlande. Quant au « Traité de Mécanique » c’est le livre des Principes mathématiques de la philosophie naturelle. (Note de Renouvier.)
  2. Tout ce début du § 110 est supprimé dans la seconde édition. On y lit au lieu de cela cette simple phrase : « La meilleure clé pour la susdite analogie de la science naturelle est, on le reconnaîtra sans peine, un certain traité célèbre de Mécanique. » (Id.)