Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/111

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qu’on l’entende encore, est comme une flamme que l’on voit, mais dont on ne sent pas la chaleur ?

Cet avantage des petites salles sur les grandes est évident, et c’est parce qu’il l’avait remarqué qu’un directeur de l’Opéra disait avec une plaisante naïveté et un peu de mauvaise humeur : « Oh ! dans votre salle du Conservatoire, tout fait de l’effet. » Oui ? et bien ! essayez un peu d’y faire entendre les grossièretés, les platitudes brutales, les non-sens, les contre-sens, les discordances, les cacophonies, que l’on supporte tant bien que mal dans votre salle de l’Opéra, et vous verrez le genre d’effet qu’ils produiront…

Maintenant examinons un autre côté de la question, celui qui se rattache à l’art du chant et à l’art du compositeur ; nous trouverons bien vite la preuve de ce que j’ai avancé en commençant, à savoir que si l’art du chant est devenu ce qu’il est aujourd’hui, l’art du cri, la trop grande dimension des théâtres en est la cause ; nous trouverons aussi que de là sont sortis d’autres excès qui déshonorent la musique aujourd’hui.

Le théâtre de la Scala, à Milan, est immense ; celui de la Cannobianna est très-vaste aussi ; le théâtre de Saint-Charles, à Naples, et beaucoup d’autres que je pourrais citer, ont également d’énormes dimensions. Or, d’où est partie l’école de chant que l’on blâme si ouvertement et à si juste titre aujourd’hui ? des grands centres musicaux de l’Italie. Le public italien étant en outre dans l’usage de parler pendant les représentations aussi haut que l’on parle chez nous à la Bourse, les chanteurs ont été amenés peu à peu, ainsi que les compositeurs, à chercher tous les moyens de concentrer sur eux l’attention de ce public qui prétend aimer sa musique. On a visé dès lors à la sonorité avant tout ; pour l’obtenir, on a supprimé l’emploi des nuances, celui de la voix mixte, de la voix de tête, et des notes inférieures de l’échelle de chaque voix, on n’a plus admis pour les ténors que les sons hauts dits de poitrine ; les basses, ne chantant plus que sur les degrés élevés de leur