Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/129

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l’Amour a une certaine grâce malicieuse comme celle que l’on prête au dieu de Paphos ; le second contient beaucoup de formules de mauvais goût et qui ont en conséquence vieilli. L’air de bravoure a vieilli bien plus encore. Au reste, hâtons-nous de dire qu’il n’est pas de Gluck. Ce morceau, dont la présence dans la partition d’Orphée est inexplicable, est tiré d’un opéra de Tancrede, d’un maître italien nommé Bertoni. Nous en parlerons tout à l’heure.

Dans l’acte des Enfers, l’introduction instrumentale, l’air pantomime des Furies, le chœur des Démons, menaçants d’abord et peu à peu touchés, domptés par le chant d’Orphée, les déchirantes et pourtant mélodieuses supplications de celui-ci, tout est sublime.

Et quelle merveille que la musique des champs Élysées ! ces harmonies vaporeuses, ces mélodies mélancoliques comme le bonheur, cette instrumentation douce et faible donnant si bien l’idée de la paix infinie !… tout cela caresse et fascine. On se prend à détester les sensations grossières de la vie, à désirer de mourir pour entendre éternellement ce divin murmure.

Que de gens, qui rougissent de laisser voir leur émotion, ont versé des larmes, en dépit de leurs efforts pour les contenir, au dernier chœur de cet acte :

Près du tendre objet qu’on aime,


au suave monologue d’Orphée décrivant le séjour bienheureux :

Quel nouveau ciel pare ces lieux !


Enfin le duo plein d’une agitation désespérée, l’accent tragique du grand air d’Eurydice, le thème mélodieux de celui d’Orphée :

J’ai perdu mon Euridice…


entrecoupé de mouvements lents épisodiques de la plus poignante expression, et le court mais admirable largo :