Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/137

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usage dans la langue des Polonius, il est trop peu littéraire.) Pourquoi baisser la voix pour dire, comme je l’ai entendu dire si haut : « Veuillez m’excuser, madame, de vous avoir fait subir une telle rapsodie ; assister à ce long enterrement ; nous irons voir Guignol demain aux Champs-Élysées pour nous dédommager ; car nous sommes volés, dans toute la force du terme, volés comme on ne l’est pas en pleine forêt de Bondy. Ce sont ces imbéciles de journalistes qui nous ont amenés dans ce traquenard. » Ou bien : « C’est de la musique savante, très-savante ; mais s’il faut étudier le contre-point pour la bien goûter, vous avouerez, ma chère madame Prud’homme, qu’elle est encore au-dessus de nos moyens. » — Ou bien : « Il n’y a pas deux mesures de mélodie là-dedans ; si nous autres jeunes compositeurs nous écrivions de pareille musique, on nous jetterait des pommes de terre. » — Ou bien : « C’est de la musique faite par le calcul, et bonne seulement pour des mathématiciens. » — Ou bien : « C’est beau mais c’est bien long. » — Ou bien : « C’est long, mais ce n’est pas beau. » Et tant d’autres aphorismes dignes d’admiration.

Oui, tant pis, tant pis, si ce nouveau genre de tartuferie vient à se répandre ; car rien n’est plus délicieux et plus flatteur pour les gens organisés d’une certaine façon que de voir les choses qu’ils aiment et admirent insultées par les gens organisés d’autre sorte. C’est le complément de leur bonheur. Et dans le cas contraire ils sont toujours tentés de paraphraser l’aparté d’un orateur de l’antiquité, et de dire : « Les Polonius sont enchantés, admirerions-nous une platitude ?… »

Mais, rassurons-nous, il n’en sera pas ainsi ; Gluck ne deviendra pas à la mode, et Guignol, depuis quelques jours, voit grossir le chiffre de ses recettes, tant il y a de gens qui vont le voir pour se dédommager.

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Une des causes de l’excellent effet produit au Théâtre-Lyrique par l’œuvre de Gluck doit être attribuée aux dimensions