Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/141

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volé Gluck, puisque le Sorcier a été joué avant Orfeo. » Le vol est de la dernière évidence. Avec un peu plus d’audace, Philidor eût pu faire passer Gluck pour le voleur.

Je reviens maintenant à l’air de bravoure qui termine le premier acte de l’Orphée français. J’avais entendu dire qu’il n’était pas de Gluck, qui, pourtant, dans quelques-unes de ses partitions italiennes, a écrit plusieurs airs de cette espèce. J’ai voulu m’en assurer. Après avoir cherché inutilement à la bibliothèque du Conservatoire la partition du Tancrede de Bertoni, d’où on le disait tiré, j’ai fini par la trouver à la bibliothèque impériale, et en feuilletant le premier acte de cet ouvrage, j’ai reconnu du premier coup d’œil le morceau en question : il est impossible de le méconnaître ; quelques notes seulement, dans la version d’Orphée, ont été ajoutées à la ritournelle. Comment cet air a-t-il été introduit dans l’opéra de Gluck ? et par qui le fut-il ? c’est ce que j’ignore. Dans une brochure française qu’un nommé Coquiau, antagoniste de Gluck, publia à Paris en 1779, et qui a pour titre : Entretiens sur l’état actuel de l’opéra de Paris, le grand compositeur était violemment attaqué, et accusé de divers plagiats, notamment d’avoir pris un air entier dans une partition de Bertoni. Les partisans de Gluck ayant nié le fait, Coquiau écrivit à Bertoni, de qui il reçut la réponse suivante qu’il publia dans un supplément à sa brochure, intitulé : Suite des entretiens sur l’état actuel de l’opéra de Paris, ou Lettres à M. S. (Suard).

Malgré la circonspection et l’embarras du musicien italien, et sa crainte comique de se compromettre, la vérité n’en éclate pas moins, d’une façon surabondante, je le répète, dans cette lettre dont nous devons la communication à l’obligeance de M. Anders, de la bibliothèque impériale. La voici :

« Londres, ce 9 septembre 1779.
« Monsieur,

« Je suis très-surpris de me voir interpellé par la lettre que