Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/183

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comptes cruels que ses productions les plus magnifiques lui font trop souvent éprouver.

Une autre cause encore concourt, dans l’orchestre de Gluck, à produire cette redoutable monotonie, c’est la simplicité des basses, qui ne sont presque jamais dessinées d’une façon intéressante, et se bornent à soutenir l’harmonie en frappant d’une façon monotone les temps de la mesure ou en suivant note contre note le rhythme de la mélodie. Aujourd’hui les compositeurs habiles ne dédaignent plus aucune partie de l’orchestre, s’attachent à répandre sur toutes de l’intérêt et à varier les formes rhythmiques autant que possible. L’orchestre de Gluck en général a peu d’éclat, si on le compare, non pas aux masses grossièrement bruyantes, mais aux orchestres bien écrits des vrais maîtres de notre siècle. Cela tient à l’emploi constant des instruments à timbre aigu dans le médium, défaut rendu plus sensible par la rudesse des basses, écrites fréquemment, au contraire, dans le haut et dominant alors outre mesure le reste de la masse harmonique. On trouverait aisément la raison de ce système, qui ne fut pas, du reste, exclusivement le partage de Gluck, dans la faiblesse des exécutants de ce temps-là ; faiblesse telle, que l’ut au-dessus des portées faisait trembler les violons, le la aigu les flûtes, et le les hautbois. D’un autre côté, les violoncelles paraissant (comme aujourd’hui encore en Italie) un instrument de luxe dont on tâchait de se passer dans les théâtres, les contre-basses demeuraient chargées presque seules de la partie grave ; de sorte que si le compositeur avait besoin de serrer son harmonie, il devait nécessairement, vu l’impossibilité de faire entendre assez les violoncelles et l’extrême gravité du son des contre-basses, écrire cette partie très-haut afin de la rapprocher davantage des violons.

Depuis lors on a senti en France et en Allemagne l’absurdité de cet usage ; les violoncelles ont été introduits dans l’orchestre en nombre supérieur à celui des contre-basses ; d’où il est résulté que les basses de Gluck, dans plusieurs endroits de ses ouvrages,