Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raient certains auditeurs ; la gaieté que ces morceaux expriment est une sorte de gaieté tendre et naïve, où je trouve un grand mérite spécial. C’est la joie d’un peuple qui aime son roi ; les cœurs sont encore endoloris par l’anxiété dont ils viennent à peine d’être délivrés. Et comme le dit Admète à son entrée, les Thessaliens sont moins ses sujets que ses amis.
xxxxxLa mélodie :

Admète va faire encore
De son peuple qui l’adore
Et la gloire et le bonheur,


est tout entière dans ce sentiment.

Au milieu de ce même air de danse chanté, la reine, passant au travers des groupes, s’écrie :

Ces chants me déchirent le cœur !


et la joie publique redouble.

Dans une étude comme celle-ci, où la critique est presque toujours admirative, il faut relever les défaillances de l’auteur, ne fût-ce que pour constater les points par lesquels il se rattache à la nature humaine.

Au milieu du premier chœur du peuple thessalien dont la joie douce est, je le répète, exprimée d’une façon si vraie et si charmante, se trouve une absurdité d’instrumentation, une partie de cor faisant des sauts d’octave et des successions diatoniques impossibles à exécuter dans un mouvement aussi animé. Le moindre musicien, témoin de ce lapsus calami, aurait pu dire à Gluck : « Eh ! monseigneur, que faites-vous donc ? Vous savez bien que cette façon d’arpéger des octaves et que tout ce dessin rapide, déjà difficile pour des violoncelles, est impraticable pour des instruments à embouchure tels que des cors, des cors en sol surtout ! et vous n’ignorez pas que si par impossible on parvenait à exécuter un semblable passage, son effet, loin d’être bon, provoquerait le rire. » Une telle distraction chez un grand maître est absolument inexplicable.