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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/194

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Gluck, dans le style descriptif, se montre presque aussi grand qu’il l’a été dans le style expressif et passionné. L’orchestre est morne, stagnant, il laisse dire au silence :

Tout de la mort, dans ces horribles lieux,
xxReconnaît la loi souveraine.

Un long murmure roule dans ses profondeurs pendant que dans les parties moins graves s’élève le cri des oiseaux de nuit. Alceste succombe à l’épouvante ; sa terreur, son vertige, l’incertitude de ses pas sont admirablement décrits, et son suprême effort l’est encore mieux quand elle s’écrie :

Ah ! l’amour me redonne une force nouvelle ;
À l’autel de la mort lui-même me conduit,
Et des antres profonds de l’éternelle nuit
xxxxJ’entends sa voix qui m’appelle !

À la place de ce merveilleux récitatif, terminé par de si tendres accents, on a dernièrement, à l’Opéra, réinstallé le morceau de l’Alceste italienne : Chi mi parla ! che rispondo ? supprimé par du Rollet. On pouvait nous le rendre sans faire cette horrible coupure ; l’intérêt de toutes ces pages est si grand, qu’on eût été heureux d’entendre l’un et l’autre morceau. Dans celui-ci, Gluck a voulu peindre surtout la peur de la malheureuse femme. Ce n’est pas un air, puisque pas une phrase formulée ne s’y trouve ; ce n’est pas un récitatif, puisque le rhythme en est impérieux et entraînant. Ce ne sont que des exclamations désordonnées en apparence : « Qui me parle ?… que répondre ?… Ah ! que vois-je ?… quelle épouvante !… où fuir ?… où me cacher ? Je brûle… j’ai froid… Le cœur me manque… je le sens… dans mon sein… len… te… ment… pal… piter… Ah ! la force… me reste… à peine… pour me plaindre… et… pour… trembler… » L’enthousiasme et l’amour sont bien loin maintenant du cœur d’Alceste ; l’élan de dévouement qui l’a conduite vers cet antre affreux est brisé. Le sentiment de la conservation l’emporte ; elle court effarée çà et