je ne sais même si l’ouverture obtint les honneurs d’un égorgement en public.
Dix ou douze ans plus tard, ces mêmes musiciens de l’Odéon, transplantés dans l’orchestre monumental du Conservatoire, exécutaient sous une vraie direction, sous la direction d’Habeneck, cette même ouverture, et mêlaient leurs cris d’admiration aux applaudissements du public… Huit ou neuf autres années ensuite, la Société des concerts du Conservatoire exécuta un chœur de génies et le finale du premier acte d’Obéron que le public acclama avec un enthousiasme égal à celui qui avait accueilli l’ouverture ; plus tard encore, deux autres fragments eurent le même bonheur… et ce fut tout.
Une petite troupe allemande venue à Paris perdre son temps et son argent pendant l’été fit seule entendre deux fois, il y a quelque vingt-sept ans, l’Obéron complet au théâtre Favart (aujourd’hui l’Opéra-Comique). Le rôle de Rezia y fut chanté par la célèbre madame Schrœder-Devrient. Mais cette troupe était fort insuffisante ; le chœur mesquin, l’orchestre misérable ; les décors troués, vermoulus ; les costumes délabrés inspiraient la pitié ; le public musical un peu intelligent était absent de Paris ; Obéron passa inaperçu. Quelques artistes et amateurs clairvoyants adoraient seuls dans le secret, de leur cœur ce divin poëme, et répétaient, en pensant à Weber, les paroles d’Hamlet :
« C’était un homme et nous ne reverrons pas son pareil ! »
Pourtant l’Allemagne avait recueilli la perle éclose dans l’huître britannique et que dédaignait le coq gaulois, si friand de grains de mil. Une traduction allemande de la pièce de M. Planchet se répandit peu à peu dans les théâtres de Berlin, de Dresde, de Hambourg, de Leipzig, de Francfort, de Munich, et la partition d’Obéron fut sauvée. Je ne sais si on l’a jamais exécutée en entier dans la ville spirituelle et malicieuse qui avait trouvé l’œuvre précédente de Weber Ennyante. Cela est probable. Les générations se suivent sans se ressembler.