Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/248

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qu’on ne retrouve chez aucun autre maître, et qui se reflète plus qu’on ne croit sur sa mélodie. Leur effet est dû tantôt à l’altération de quelques notes de l’accord, tantôt à des renversements peu usités, quelquefois même à la suppression de certains sons réputés indispensables. Tel est, par exemple, l’accord final du morceau des nymphes de la mer, où la tonique est supprimée, et dans lequel, bien que le morceau soit en mi, l’auteur n’a voulu laisser entendre que sol dièse et si. De là le vague de cette désinence et la rêverie où elle plonge l’auditeur.

On en peut dire à peu près autant de ses modulations ; si étranges qu’elles soient, elles sont toujours amenées avec un grand art, sans duretés, sans secousse, d’une façon presque toujours imprévue, pour concourir à l’expression d’un sentiment et non pour causer à l’oreille une puérile surprise.

Weber admet la liberté absolue des formes rhythmiques ; jamais personne autant que lui ne s’est affranchi de la tyrannie de ce qu’on appelle la carrure, et dont l’emploi exclusif et borné aux agglomérations de nombres pairs contribue si cruellement, non-seulement à faire naître la monotonie, mais à produire la platitude. Dans le Freyschütz, il avait déjà donné des exemples nombreux d’une phraséologie nouvelle. Parmi ces exemples, les musiciens français, les plus carrés des mélodistes après les Italiens, furent tout surpris d’applaudir la chanson à boire de Gaspard, qui se compose, dans sa première moitié, d’une succession de phrases de trois mesures, et, dans sa seconde moitié, d’une succession de phrases de quatre. Dans Obéron on trouve divers passages où le tissu mélodique est rhythmé de cinq en cinq. En général, chaque phrase de cinq mesures ou de trois a son pendant qui constitue alors la symétrie, produisant le nombre pair, si cher aux musiciens vulgaires, en dépit du proverbe : Numero Deus impare gaudet. Mais Weber ne se croit point obligé d’établir à tout prix et partout cette symétrie ; très-souvent sa phrase impaire n’a pas de pen-