Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/261

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que l’écrivain a voulu dire, et sans doute lui-même ne le sait pas davantage. » Ceci me rappelle un traité d’harmonie composé dans un système fort ingénieux, disait-on, par un savant mathématicien. Je le lus avec une attention qui faillit me rendre malade, sans y rien comprendre. L’auteur, à qui j’avais avoué que le sens de son œuvre m’échappait complétement, m’offrit de venir me l’expliquer. Nous eûmes un long entretien à ce sujet, et les explications verbales ne parvinrent pas plus que la prose écrite à me faire pénétrer la signification de ce traité mystérieux. « Je suis sans doute mal disposé aujourd’hui, dis-je à l’auteur ; si vous vouliez bien m’accorder une autre heure d’études, je serais peut-être à cette seconde épreuve plus intelligent. » Nouveau rendez-vous pris. Je m’obstinais, j’étais curieux de savoir si je parviendrais à comprendre. Le théoricien revint, recommença l’exposé de sa doctrine, de ses exemples, l’explication de son système, etc., etc. Je faisais des efforts surhumains d’attention ; mon cerveau semblait se tordre dans mon crâne ; quant à l’auteur, il suait à grosses gouttes, voyant combien je mettais à l’écouter de bonne volonté sans résultats. Enfin il fallut renoncer à prolonger l’expérience, et je dus dire au démonstrateur : « C’est inutile, monsieur, je n’ai pas la moindre idée de ce que vous voulez me faire entendre. C’est absolument comme si vous me parliez chinois ! » Et ce savant avait fait un gros livre pour enseigner l’harmonie à ceux qui ne la savent pas

Rien de pareil, ai-je besoin de le répéter, dans l’ouvrage de M. d’Ortigue ; et si je diffère avec lui d’opinion sur quelques points, au moins sais-je bien en quoi et pourquoi cette différence existe. Son ouvrage a pour but principal d’étudier et de faire comprendre la nature de l’art musical religieux, c’est-à-dire de l’art des sons appliqué au service religieux, à chanter les textes sacrés dans les églises catholiques ; de démontrer les aberrations des musiciens qui, sans en apprécier l’importance, ont osé entreprendre cette tâche, ainsi que la tolérance cou-