Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/279

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Ai-je besoin de vous dire que ce noble ambitieux n’a pas remis et ne remettra jamais le pied dans un orchestre placé sous ma direction ?

Ce système de suppressions est assez rarement pratiqué ; celui des additions, au contraire, est fort répandu. Rendons-en les désastres plus frappants en le supposant appliqué à la littérature.

Il y a des gens qui récitent en public des fragments de poésie et les mettent plus ou moins en relief par leur manière de les dire ; la plupart du temps ils se font applaudir en outrant leur diction, en exagérant les accents, en soulignant les mots, en prononçant avec emphase les expressions simples, etc. Que l’un d’eux, en récitant la fable de La Fontaine, la Mort et le Mourant, ait l’idée d’y introduire des vers de sa façon pour obtenir plus d’effet, il se peut, il faut malheureusement le reconnaître, qu’il y ait des esprits assez mal faits pour l’absoudre de cette insolence et pour trouver même très-ingénieuse l’addition de ses vers à ceux de l’immortel fabuliste. Qu’il dise ainsi :

La mort ne surprend point le sage :
Il est toujours prêt à partir
xxxxxSans gémir.

En effet, remarquera-t-on, pourquoi gémir, quand il est sûr que toute plainte sera vaine, que rien au monde ne peut retarder l’instant fatal ? La Fontaine n’avait pas songé à cela.

Donc :

Du teIl est toujours prêt à partir
xxxxxxDu teSans gémir,
Du teS’étant su lui-même avertir
Du temps où l’on se doit résoudre à ce passage
xxxxxxDu teD’usage.

« Ah ! ceci est admirable, diront encore nos Philintes, rien n’est, à coup sûr, plus en usage que la mort, et ce petit vers, ainsi jeté après un alexandrin, est d’une intention excellente