Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/40

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— C’est singulier, je m’y suis cruellement ennuyé. Et vous ? ajoute-t-il, en s’adressant à un Italien…

— Oh ! moi, je trouve cela inintelligible, ou plutôt insupportable, il n’y a pas de mélodie… Au reste, tenez, voici plusieurs journaux qui en parlent, lisons :

— La symphonie avec chœurs de Beethoven représente le point culminant de la musique moderne ; l’art n’a rien produit encore qu’on puisse lui comparer pour la noblesse du style, la grandeur du plan et le fini des détails.

(Un autre journal.) — La symphonie avec chœurs de Beethoven est une monstruosité.

(Un autre.) — Cet ouvrage n’est pas absolument dépourvu d’idées, mais elles sont mal disposées et ne forment qu’un ensemble incohérent et dénué de charme.

(Un autre.) — La symphonie, avec chœurs de Beethoven, contient d’admirables passages, cependant on voit que les idées manquaient à l’auteur, et que, son imagination épuisée ne le soutenant plus, il s’est consumé en efforts souvent heureux pour suppléer à l’inspiration à force d’art. Les quelques phrases qui s’y trouvent sont supérieurement traitées et disposées dans un ordre parfaitement clair et logique. En somme, c’est l’œuvre fort intéressante d’un génie fatigué.

Où est la vérité ? où est l’erreur ? partout et nulle part. Chacun a raison ; ce qui est beau pour l’un ne l’est pas pour l’autre, par cela seul que l’un a été ému et que l’autre est demeuré impassible, que le premier a éprouvé une vive jouissance et le second une grande fatigue. Que faire à cela ?… rien…, mais c’est horrible ; j’aimerais mieux être fou et croire au beau absolu.