eaux doivent naturellement trouver place, je répondrai que la même objection peut lui être adressée, quand, dans un orage, il imite aussi exactement les vents, les éclats de la foudre, le mugissement des troupeaux. Et Dieu sait cependant s’il est jamais entré dans la tête d’un critique de blâmer l’orage de la symphonie pastorale ! Continuons : le poëte nous amène à présent au milieu d’une réunion joyeuse de paysans. On danse, on rit, avec modération d’abord ; la musette fait entendre un gai refrain, accompagné d’un basson qui ne sait faire que deux notes. Beethoven a sans doute voulu caractériser par là quelque bon vieux paysan allemand, monté sur un tonneau, armé d’un mauvais instrument délabré, dont il tire à peine les deux sons principaux du ton de fa, la dominante et la tonique. Chaque fois que le hautbois entonne son chant de musette naïf et gai comme une jeune fille endimanchée, le vieux basson vient souffler ses deux notes ; la phrase mélodique module-t-elle, le basson se tait, compte ses pauses tranquillement, jusqu’à ce que la rentrée dans le ton primitif lui permette de replacer son imperturbable fa, ut, fa. Cet effet, d’un grotesque excellent, échappe presque complétement à l’attention du public. La danse s’anime, devient folle, bruyante. Le rhythme change ; un air grossier à deux temps annonce l’arrivée des montagnards aux lourds sabots ; le premier morceau à trois temps recommence plus animé que jamais : tout se mêle, s’entraîne ; les cheveux des femmes commencent à voler sur leurs épaules ; les montagnards ont apporté leur joie bruyante et avinée ; on frappe dans les mains ; on crie, on court, on se précipite ; c’est une fureur, une rage… Quand un coup de tonnerre lointain vient jeter l’épouvante au milieu du bal champêtre et mettre en fuite les danseurs.
Orage, éclairs. Je désespère de pouvoir donner une idée de ce prodigieux morceau ; il faut l’entendre pour concevoir jusqu’à quel degré de vérité et de sublime peut atteindre la musique pittoresque entre les mains d’un homme comme Beethoven.